Départ Venice / Arrivée Roma
Il était content de quitter Venice. Il avait trouvé cette ville très agitée, même en novembre. La Place Saint-Marc et ses pigeons, d’un ennui mortel. Il regarda de nouveau son billet pour s’assurer du bon endroit où trouver son siège. Il aurait pensé qu’il ferait plus chaud, mais une espèce de brouillard tenace le faisait frissonner malgré son confortable pardessus.
Hissant sa valise sur la plateforme du wagon, il vérifia qu’il était bien en 1ère classe. Il aimait la tranquillité et le confort. Les gens commençaient à s’installer, qui mettait son bagage dans le porte-bagages, qui enlevait manteau, écharpe, chapeau. Il repéra aisément le n° de son siège et se sentit apaisé. Son siège se trouvait côté fenêtre, il fut satisfait car il allait pouvoir profiter du paysage, enfin, si le brouillard se levait. Une fois assis, son regard erra de-ci de-là sur les voyageurs dont certains n’étaient pas loin de l’apoplexie, rougeauds et visiblement suants à grosses gouttes.
L’instant qu’il redoutait arriva. Le siège à côté du sien serait occupé. Une jeune femme en manteau de fourrure, très élégante, lui fit un bonjour muet. Elle installa sa valise, ôta son manteau et s’assit confortablement, sortit une revue de son sac. En regardant ce sac, il se dit que celui-ci avait plutôt l’allure d’un cabas. Il fut tiré de ses pensées par un sifflement strident indiquant le départ imminent.
Le train s’ébranla, les gens restés sur le quai défilèrent devant ses yeux qui avaient de plus en plus de mal à apercevoir le décor extérieur, la vitesse augmentant au fur et à mesure. Ses yeux fatigués par ce va-et-vient, il décrocha son regard et ferma les yeux quelques instants.
Sa voisine avait sorti sa trousse de maquillage, entreprenant à se faireune beauté. Il s’était toujours posé cette question « Qu’avaient les femmes à se peinturlurer de la sorte ? ». Discrètement, les yeux en coin, il assistait à la transformation d’un visage.
Il se réveilla quand le train ralentit pour entrer en gare, une gare dont il ignorait le nom, il n’avait pas compris le « crachoti » dans le micro. Il reprit son poste d’observation, son regard s’arrêta sur un couple enlacé sur le quai qui s’embrassait avec passion. Lequel des deux va partir ? Se dit-il. Il opta pour l’homme, il perdit à son petit jeu car c’est la femme qui monta dans le wagon avec deux grosses valises qu’elle tirait difficilement.
Quand le train repartit, sa voisine lui demanda si cela ne le dérangeait pas de changer de place, elle voulait voir le paysage. Elle mit dans sa requête un tel regard suppliant de petite fille gâtée – qui l’énerva au plus haut point – il valait mieux accepter pour espérer passer le reste du voyage paisiblement se dit-il. Son angle de vue avait changé, plus ample au niveau des voyageurs. Son regard se figea comme hypnotisé par des mains qui s’agitaient furieusement, une tricoteuse compulsive qui ne gêne personne pensa-t-il. Il pensait que le tricot était tombé en désuétude, eh bien non, cette jeune femme perdurait cette activité rustique.
Il retomba dans ses pensées, le but de son voyage à Rome resurgit dans son esprit. Il avait une entrevue avec le Pape ! Il n’en revenait toujours pas. Maintenant, il lui tardait d’arriver dans cette ville mystique. Il était certain qu’il en rentrerait grandi, que ses ouailles en profiteraient. Il se voyait déjà monter en chaire, ses fidèles accrochés à ses paroles. – Michèle Gautier –
Atelier d’écriture mené par Elisabeth Morin « Des mots en pages » 11 septembre 2018
Proposition :
Parmi une dizaine de billets de train ou figurent la ville de départ et la ville d’arrivée, la date et l’heure, la classe, le n° de siège,choisir notre choix de voyage. Que se passe-t-il pendant ce voyage en train ?
Choix de voyage : Départ Venice / Arrivée Roma
